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Extrait de Technikart
Baise en ville
Adopté par une génération de lolitas le nombril à l'air, le sac " Eastpak "
a remis au goût du jour la chute de reins. Retour sur un accessoire érotique informe, multicolore et ultra-résistant.
Soyons clairs, l'objet culte du mois aurait déjà dû être chroniqué
il y a un moment, car son avènement remonte à celle de la déferlante street-wear.
Mais malgré notre détente un peu molle, le thème que nous allons aborder ici religieusement, reste d'actualité :
cet été encore, assis en terrasse, nous allons devoir supporter ces hordes d'adolescents et surtout d'adolescentes, sucettes
à la bouche, démarche lente, portant panta-courts, tee-shirt ras-le-nombril et, comme ultime accessoire érotique,
le désormais légendaire sac à dos Eastpack.
Planche à roulettes
Au départ, cet objet n'a rien de très excitant: vendu à la fin des années 80 dans les magasins de
camping et les skate-shop, il séduit tout d'abord un public de skaters peu porté sur le décorum. Sa solidité,
sa forme smooth (en raison d'une absence totale de structure), ses couleurs urbaines et trashy ( bordeaux, bleu, noir…)
et surtout, son caractère encore confidentiel, en font un accessoire à leur image. Eastpack mise alors sur le
bouche-à-oreille et n'ose alors que quelques rares pubs dans les magazines spécialisés dans la planche à
roulettes.
L'improbable aviateur Mais, comme tout mouvement underground, le street-wear est vite récupéré,
et en moins de temps qu'il ne faut pour apprendre à faire un ollie ( figure de skate, ndrl ), tout le monde se retrouve avec cet
accessoire informe sur le dos. Rapidement, Eastpack fait tomber aux oubliettes l'œuvre de l'improbable aviateur Charles Chevignon, et vole
le marché à son concurrent direct Jansport* (ancien fournisseur de l'armée US, et leader mondial.) Skaters (les pionniers),
grunges (rappelez-vous), street-urban-work-wear (les poseurs), cailleras et hip-hop (comme les " Saïan Supa Crew ",
chantant sur scène avec des sacs à dos vides), travellers et technoïdes (sac dégriffés),
tous les mouvements se reconnaissent dans cet objet à l'étonnante morpho-adaptabilité.
Porte-skeuds
A l'exception notable des gays, qui lui préfèrent les outsiders éphémères :
du sac Viahero au porte-skeuds, en passant par l'hybride bandoulière-bretelle. Devant tant de succès,
Eastpack a diversifié ses modèles : des couleurs sombres, ils sont passé au fuchsia, au bleu ciel,
au motif à fleurs, au camouflage, et a adopté des formes plus tendance : bananes, sac à dos en filet,
ou micro sac à dos, assez grand pour contenir un portable. Ces changements en ont fait au fil du temps un accessoire
de mode bien plus qu'un objet fonctionnel. Au cœur de ce troupeau de Lolitas multicolores, certaines têtes de bétails
plus ouvertement aguicheuses que les autres attachent au zip de leur sac une figurine à l'effigie de Kenny "
D'où vient cette étonnante fascination ? Très certainement de la formidable charge érotique
que le Eastpack traîne dans son sillage, de sa capacité à surligner la croupe de toute une génération
de lycéennes lascives. Savamment lesté d'un Mobicarte Ola, il semble tout entier tendu vers un objectif girond et lourd
de promesses humides. De plus, ses bretelles amples, comme une sorte de décolleté inversé, mettent
en valeur l'espace inter-omoplate (super-bandant associé à un débardeur, beaucoup plus triste avec une doudoune.)
Label de qualité Et l'étiquette rouge et noire en bas à droite semble figurer un véritable label
de qualité sur lequel on s'attend à lire une date de péremption. Au cœur de ce troupeau de Lolitas multicolores,
certaines têtes de bétails, plus ouvertement aguicheuses que les autres, attachent au zip de leur sac une figurine à
l'effigie de Kenny, le héros du dessin animé South Park. Avec une exactitude presque culpabilisante pour celui
qui s'y attarde, ce gadget permet de calculer l'amplitude oscillatoire du déhanchement de
l'Eastpack-babe. Comme un métronome qui rythme le balancier des fessiers, un oscillateur qui traduit à
la perfection nos désirs les plus intimes. J'aurais pu aussi vous parler de ces jeunes qui s'amusent à compter
les sacs Eastpack dans la cour de leur lycée; mais ma main droite m'appelle. Mathieu Sadet
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