L'art à l'école, enfin !

Entre le scandale de la Société Générale et le mariage du chef de l'Etat, la nouvelle est passée presque inaperçue : à partir de la rentrée 2009, l'éducation artistique sera considérablement renforcée dans l'enseignement primaire et secondaire.

L'histoire de l'art, jusqu'ici pratiquement absente des programmes, fera son entrée à l'école, au collège (où elle devrait représenter le quart des horaires d'histoire) et au lycée. Le deux ministres qui ont fait cette annonce, Xavier Darcos (Education nationale) et Christine Albanel (Culture), ont aussi promis des compléments de formation pour les enseignants et des contacts facilités avec les oeuvres.

Blasés par l'empilement des réformes éducatives, les Français devraient pourtant se réjouir de celle-ci.
D'abord, parce qu'elle comblera un retard injustifiable : tous nos voisins européens, dans ce domaine, font mieux que nous. Il est étrange que le magazine américain « Time », qui s'est délecté dans un numéro récent à décrire le « déclin de la culture française », n'ait pas mentionné cette lacune béante. Certains analystes lui trouvent des explications : en Italie, ou encore en Allemagne, l'unité nationale a été tardive. Avant la deuxième moitié du XIXe siècle, l'histoire de ces pays était émiettée entre de multiples entités politiques. L'histoire de l'art y a assumé une double fonction éducative : elle a servi de fil directeur pour la compréhension du passé et de facteur d'identification nationale.

Mais elle n'est pas moins nécessaire en France : sans elle, l'enseignement de l'histoire est bancal, comme celui de la littérature. L'acquisition d'une culture historique est une reconstruction du passé dans laquelle chaque matériau soutient les autres : comment ne pas avoir une vision tronquée du XVIIIe siècle si on ne met pas en relation Watteau et la Régence, Boucher et le règne de Louis XV ? Et peut-on espérer l'éclosion d'une « conscience européenne » sans enseigner aux collégiens que la circulation des artistes et leurs influences réciproques ont tissé depuis le Moyen Age de puissantes convergences culturelles au sein du Vieux Continent ?

Enseigner l'histoire de l'art est aussi une façon d'atténuer les discriminations sociales, car cette culture, qui ne s'acquiert pas sur les bancs de l'école, se diffuse par imprégnation familiale : elle devient un signe de « distinction », pour emprunter le vocabulaire de Pierre Bourdieu. Et l'inégalité d'accès à l'art sera de plus en plus sensible dans nos économies « quaternaires », où le temps de loisir s'allonge et où l'omniprésence de la communication confère un avantage aux « manipulateurs de symboles ».

Restent, enfin, des raisons plus terre à terre de se réjouir : rehausser le niveau de culture artistique des nouvelles générations, c'est affiner leur jugement, donc renforcer la pertinence du marché qu'elles représenteront, et conforter la place de la France dans le réseau mondial des amateurs, critiques, collectionneurs et galeristes qui consacre la valeur (marchande) des oeuvres. On s'apercevra ainsi que l'éducation artistique a aussi des vertus... économiques.

Extrait du journal Les Echos

Clin d'oeil

Kandinsky a "inventé" l'art abstrait en contemplant un tableau "d'une extraordinaire beauté embrasée d'un rayonnement intérieur". Il s'est ensuite aperçu qu'il s'agissait de l'une de ses propres toiles, retournée à l'envers !

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